lundi 7 avril 2014

Comment connecter les 4,3 milliards de Terriens qui restent privés d'Internet

A lire sur: http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0203359783006-comment-connecter-les-4-3-milliards-de-terriens-qui-restent-prives-d-internet-659178.php

Par Solveig Godeluck | 24/03 | 06:00

L'Internet mobile a décollé dans les pays riches, mais coûte 100 fois trop cher pour les pays émergents.
Les industriels des télécoms et de l'Internet cherchent des solutions ensemble pour les dix prochaines années.

Aujourd'hui, environ une personne sur trois dans le monde a accès à l'Internet : 2,7 milliards d'habitants, selon un rapport publié par Deloitte en février. Mais comment connecter les 4,3 milliards d'humains qui sont privés de ce sésame du développement économique ? La question passionne les industriels, depuis que Facebook a initié le projet Internet.org, l'été dernier. Le géant du Web a proposé aux industriels de l'électronique et des télécoms (Ericsson, Qualcomm, Samsung, Nokia) de travailler ensemble sur le moyen de centupler l'efficacité des connexions à Internet au cours des cinq à dix prochaines années  - et donc de réduire d'autant leur coût, qui constitue la véritable barrière à l'entrée. « Nous pensons qu'il est possible de construire une infrastructure qui permettra durablement de se connecter avec un téléphone à un prix raisonnable », écrivent Facebook, Ericsson et Qualcomm dans un Livre blanc publié en septembre. Il faudra pour cela réduire les coûts des équipements, de la puce du smartphone aux stations antennaires en passant par les logiciels, mais aussi « utiliser moins de données en fabriquant des applications plus efficaces ».

Versions allégées

C'est ce que font déjà Google ou Facebook quand ils travaillent main dans la main avec les opérateurs pour faire maigrir leurs applications, souvent accusées d'être des berlines qui, au lieu d' être économes en bande passante, consomment du 20 litres au 100. Les acteurs du Web essaient aussi de stocker les contenus les plus demandés dans des serveurs caches à proximité des utilisateurs, afin qu'ils soient livrés à moindre coût. Facebook a même fabriqué une version légère de son application mobile, sans images, accessible avec des mobiles qui ne sont pas des smartphones. Elle a notamment été mise en oeuvre par Orange en Afrique depuis deux ans, et utilise une technologie de signalisation comparable au SMS. L'éditeur Opera a également mis au point un navigateur Web allégé idéal en cas de connexion de mauvaise qualité.
Mais la pression est trop forte pour que l'Afrique noire se contente longtemps d'un Internet allégé. Surtout, cela ne règle pas le problème des gens qui n'ont pas du tout de réseau mobile. « En Afrique subsaharienne et dans quelques pays asiatiques ou d'Amérique latine, on a souvent plus de 100 % de pénétration du mobile dans les zones urbaines et des pénétrations faibles ailleurs », explique Mohssen Toumi, directeur chez Booz & Company. L'enjeu est donc d'étendre le réseau hors de la capitale. C'est là que le bât blesse. Les modèles économiques actuels sont inadaptés, vu la faible densité de peuplement et la pauvreté des populations. « Il faut plusieurs centaines de millions d'euros pour déployer un réseau de qualité. Or les clients n'ont pas de pouvoir d'achat pour amortir l'investissement et l'Etat n'a souvent pas les moyens ou n'a pas vocation à prendre en charge le financement », détaille Mohssen Toumi.

Changer les modèles

Des défis de cette ampleur, les industriels d'Internet en raffolent : ne sont-ils pas là pour changer le monde ? C'est ainsi que Facebook imagine envoyer des drones dans la stratosphère pour servir de stations-relais, tandis que Google teste des sondes atmosphériques.
Mais, pour l'instant, ces idées ne révolutionnent pas l'accès à Internet. Et on ne sait pas trop qui opérerait de tels réseaux. Parmi les géants du Net, seul Google s'est risqué jusqu'à présent à des incursions dans le métier d'opérateur, pour tester le très haut débit fixe dans quelques villes américaines.
Restent les opérateurs et les équipementiers télécoms, qui multiplient les innovations technologiques en réduisant la consommation énergétique de leurs équipements, et en achetant des composants longue durée. Cela permet de faire fonctionner des stations de base dans le désert ou dans la jungle avec une meilleure autonomie. Enfin et surtout, l'innovation viendra des modèles économiques.
En Afrique, les opérateurs ont compris qu'ils devaient mutualiser leurs pylônes, voire construire un réseau unique à plusieurs, afin de diminuer leurs coûts. C'est pourquoi les opérateurs de mâts, comme IHS ou Tower Cast, ont un bel avenir devant eux.
Solveig Godeluck, Les Echos

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